Requiem

 

Regardant pleine face le rituel chrétien des morts, on est saisi de cet étonnant programme : transire de morte ad vitam. Aller au rebours du temps, rien de moins.

Hommes - ou musiciens, par délégation de jeu -, qui n'a pas rêvé de retourner, rebrousser, renverser, distendre, étirer, rétrécir, altérer, tordre le coup, les mains, les pieds du temps, faire la peau du temps ? Être maître de la durée, ou du moins de son écoulement ; ou du moins de la perception de son écoulement.

Compositeurs, nous rêvons tous du temps qui s'arrête, de la note qui tue, de la musique dont on ne se relève pas.

 

Comme la langue des Inuits distingue de nombreuses sortes de neige, l'Office des morts connaît trois éternités. Aeternus, c'est l'éternité hors-temps, absolue. Per-petuus, "qui s'avance 'une manière continue", c'est l'infini (et l'incommencé) de la durée. Dieu est éternel et le monde perpétuel, dit Boèce. Perpetuus n'a ni commencement ni fin. Aeternus est au-delà du temps, instant immobile qui n'appartien qu'au Un. Sempiternus relève à la fois la temporalité de Perpetuus et de l'unicité de Aeternus : sem, c'est le "un" de l'indo-européen, qui donnera le "én" grec. Sem-per, "toujours", c'est le prolongement de un, sa répétition indéfinie. Quelque chose comme "une fois pour toute". Sans fin, dit perpetuitas. Pour toujours, dit sempiternas. A jamais, tranche aeternitas.

 

Ces éternités-là sont déjà des musiques. Immobilité statistique de l'hors-temps. Temps boulcé de la répétition. Durée infinie du chant ferme. Et aussi ce travail sur le temps que sont la fulgurance, l'instantanné, l'interruption de l'interruption, coupage généralisé des paroles, certaines de ces apnées qui précèdent l'attaque d'un chanteur, ou un éternuement, ou la "petite mort", le hoquet, l'accéléré/décéléré, le prestissississimo contre le lentissississimo, où se retrouvent l'imperception des formes, les glissements progressifs, où se jouent l'ambiguité des matières (et qui s'en trouvent comme désincarnées), le passage de relais, la rétrogradation, la récurrence, le flash-back, le précipité...

 

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presse

Le Monde de la musique

« L'Audace récomposée. Compositeur et poète loin de toute convention, le musicien n'est jamais prévisible. On attendait un oeuvre distancée, à la manière de Kagel ; on a entendu une véritable messe des morts, religieuse (au sens étymologique), archaïsante - avec très bel effectif de 6 clarinettes et un accordéon - et servie par des interprètes remarquables. Ce Requiem retrouve l'esprit ancestral du culte des morts et place l'auditeur face à son éternité. C'est si rare... »  Dominique DRUHEN

La Dépêche

« Ce fantaisiste se double d'un compositeur, inspiré, maître de la matière sonore, à la fois profond et abordable à l'oreille. »  Vincent BROCHU

Le Figaro

« Rebotier aime les mots comme les notes pour le jeu qu'ils autorisent : il y a du Rabelais chez cet ogre des sons. Il n'a pas peur d'écrire tantôt comme Machaut, tantôt comme Satie. C'est pour mieux peindre sa Nef des fous, sa Danse macabre. Une oeuvre à la fois puissante et légère. De la légèreté de la grâce.  »  Jacques DOUCELIN

Libération

« Le Requiem de Jacques Rebotier est loin des transports baroques, loin des effusions romantiques : c'est vers le Moyen Âge qu'il regarde avec son instrumentation particulière. Musique qui vient peut-être d'avant le christianisme. D'un temps où l'on apaisait la divinité, où l'on conciliait l'esprit des morts.  » Dominique DRUHEN (sept 1994)

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La Croix

« Le compositeur concilie à l'envi gravité et légèreté, novation et archaïsme. »  Bruno SERROU

Paris Normandie

« Ce Requiem de Jacques Rebotier, où l'obsession du temps majuscule rejoint la quête d'éternité et de la paix de l'âme, porte en lui - on ose le terme - les signes d'un chef d'oeuvre. La construction rigoureuse sous les apparences ; libératrices ; sa puissance expressive, son look tout simplement révolutionnaire - mâlismes syncopés, rushes instrumentaux, dont un accordéon ! entremêlés de longues plaintes ; cris libérateurs en une polyphonie destroy, discours brisé de la soliste, texte magnifique de Valère Novarina (...) : une passion et une foi hautemet communicatives. Impressionnant.  »  P. R.

Le Nouveau Courrier de la Presse

« Sur fond d'éternité, une vision à la fois profonde et déroutante, loin des repères traditionnels. Fulgurant et, sans excès de langage, proprement somptueux. 

Il est vrai que Jacques Rebotier en avait fait - nous le citons - « l'enjeu central de l'existence même du concept de musique et de mon travail de compositeur ». La quête d'infini ne saurai se satisfaire de demi-mesures. A cet égard, l'auteur du Chant très obscur de la langue nous aura comblé ». 

DNA

« Un vif-argent de l'intellect. Un artiste hors normes, poète et compositeur, metteur en scène, habiter par la musique de la langue. (...) Est-il poète avant d'être compositeur ? Compositeur avant d'être homme de théâtre ? Il est tout cela. Un Rabelais qui serait compositeur. (...) Il est plus proche de Guillaume de Machault - le plus grand musicien et poète du XIVème siècle - que de Beethoven, l'archétype du compositeur moderne. C'est un trouvère, un aède. »  Dominique DRUHEN

Hebdoscope

« Une grande émotion, une joie sans mélange, un plaisir intense de retrouver de la "vraie musique contemporaine", une musique qui utilise des matériaux anciens, les transforme, les transfigure, non point pour le plaisir arbitraire d'une quelconque provocation ou d'une démonstration artificielle, mais dans le souci de nous retracer un itinéraire, celui du compositeur lui-même sans doute, mais aussi celui de la pensée sur la place et la signification de la mort pour les vivants d'aujourd'hui rassemblés autour du cercueil d'une cérémonie d'adieu.  (...) Ce Requiem de Jacques Rebotier nous donne du temps de la vie et de la mort une image profondément humaine, païenne, réconfortente pour ceux qui l'écoute... et alors peu importe qu'on croit ou qu'on ne croit pas à la résurrection des corps. » 

Le Monde de la musique

« Notre époque, grise et tragique, a besoin de ce message, de cette beauté inquiète. » Dominique DRUHEN

LE BIEN PUBLIC

« Il est des instants où l'on finit par douter de l'épaisseur de l'espace; des instants entre ciel et terre où l'on se sent glisser lentement vers un état de recueillement. » Chrystel SKOWRON (6 novembre 1995)

 

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création 1993 au Festival Musica